mercredi, janvier 24, 2007

Pour un monde meilleur (12)

- en fait si, j’ai préféré le un, la suite était pathétique.
La jeune femme ne semble même pas s’offusquer de la dureté des propos que Martha regrette déjà. Au contraire, elle semble toute disposée à dévoiler son plan, ici et maintenant pour empêcher la guerre en croisant les flux, ce qui en d’autres temps et dans d’autres fictions aurait été mal…
Les mâles sont évidemment en mode special aware consciousness, prêts à écouter et à croire n’importe quelle billevesée du moment qu’elle proviendra de cette délicate bouche d’enfant mal grandie.

Les années passant, Martha a pourtant appris à prendre sur elle, et surtout à vendre sa came en se vendant elle-même. Il faut donc garder l’avantage tout en permettant à la jeune femme de s’exprimer, puis la contrer intelligemment mais sans retour possible.

- Tes propos sont pour le moins surprenants mais, nous, enfin, quel est ton nom ?
- Je m’appelle Eva répond la jeune blonde dans un sourire.
- Eh bien Eva, nous t’écoutons. Quelle est donc cette chose exceptionnelle ? Je me suis un peu moquée de toi, mais cela m’intéresse, et intéresse tout un chacun ici d’entendre ce que tu as à nous dire.
- C’est extrêmement simple en fait.

A ce moment Martha se sent piégée, par ce physique troublant et exceptionnel d’abstraction. Un visage qui serait comme une essentialité de visage. Des cheveux, une peau, et des yeux peut-être, une aura, un halo qu’une voix assez grave viennent contredire. Grave et basse, comme si la légèreté venait de s’envoler. D’où vient-elle ?
Comment se fait-il que ses parents l’aient laissée venir jusqu’ici. Cette fille n’a pas de parents, c’est évident. Et toujours cette sensation de déjà vu, de reconnaître celle qui maintenant, grâce à sa blondeur insipide et irréelle va s’immiscer dans la petite histoire à écrire, dans le destin fragile à briser d’un grand coup de lâcheté.
Ses mains blanches, très fines, prêtes à exprimer, et à décimer, à ruiner en un quart de phrases des années de projet, d’angoisses, de doutes pour finalement aboutir dans cette salle pourrie aux allures de décor de mauvaise série française —même pas en réalité, aux allures de local de merde, comme elle en a si souvent rencontré, dans sa longue carrière de penseur d’espace, sans réellement parvenir à dire si cela avait ou non un caractère tragique.

Il faut pourtant écouter, non il ne faut pas, personne n’a plus le choix, il est impossible maintenant de faire machine arrière. La voix reprend son absurde et essentiel monologue.

- vous l’avez dit, je suis très jeune.

Quelle âge d’ailleurs peut-être avoir, serait-elle une amie de mes enfants ?

- je suis née avec Internet. Enfin j’ai toujours connu Internet, et je sais que ce n’est pas le cas de vous tous. Enfin d’ailleurs mon propos n’est pas là. Je voudrais juste en fait vous faire voir une chose que vous semblez ignorer.
L’attention s’étale, se diffuse, chacun s’interroge, tout en se sentant visé, tout n’est peut-être pas perdu.

- vous parlez, enfin vous et tout le monde, depuis des années je crois, d’une guerre qu’on ne peut pas combattre parce qu’elle est diffuse, qu’elle vise n’importe qui, et puis je ne sais plus quoi. Enfin bref, une guerre pas très fair-play en somme. C’est vrai qu’il n’y a pas vraiment de transparence sur les moyens d’agir, quant aux causes, je n’en parle même pas, de ces gens.
- Sans doute, et donc…
- Oui mais vous ne voyez même pas que c’est évidemment comme le réseau.
- Excuse-nous mais on sait bien que c’est grâce à Internet que nombre de leurs actions sont rendues possibles. Ce ton est inutile et assassin, maîtrise-toi. La lumière devient trop agressive, l’heure tourne, elle devrait partir, rentrer chez elle. Se coucher et oublier…
- Oui, mais je ne vous parle pas de cela. Je ne suis pas en train de vous dire qu’Internet est un moyen. Je vous dis juste qu’Internet est une matrice.

M.G

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