jeudi, décembre 18, 2008

Another galaxy (3)

Lorsqu’ils se lèveront elle sentira l’espace d’un court instant si oui ou non les choses vont prendre tournure.
C’est assez étrange d’être là ainsi, prête à tout. Prête à attendre le moment où il lui faudra agir. Sans aucun regret.
Elle a pourtant toujours été peureuse. Inquiète de tout et finalement, elle est là prête à foncer, sereine, excitée presque.

Elle croit entendre un bruit. Réalise qu’elle n’a même tenté de se voir dans un miroir. Son visage doit être gonflé, marqué par cette nuit trop courte, et par ces années trop longues. Elle prend de moins en moins de temps pour se maquiller. Et finalement c’est un peu comme si elle se retrouvait. Parfois il lui semble que de rester naturelle ainsi la ramène en arrière. Les traits ont changé, des poches lourdes ont pris leur place sous les yeux. Quelques rides profondes sillonnent à présent son visage, mais, lorsqu’il lui arrive de le croiser dans un miroir, elle croit y voir une flamme qui avait depuis longtemps disparu. Elle se regarde d’un peu plus loin aussi.
Le bruit se précise.
Quelqu’un est levé.

Si c’est Arnaud pense-t-elle… et la coquetterie la reprend. Puis elle se ressaisit, réalise qu’elle n’a au fond plus assez d’énergie pour tous ces enfantillages. Surtout aujourd’hui, maintenant qu’elle est embarquée dans cette aventure. Alors la facilité la gagne. Comme elle l’a souvent fait depuis plusieurs années, alors qu’elle se sentait laide, vieillie, elle emprunte l’habit que semble lui tendre le regard de l’autre. Elle n’est plus dans la course. C’est ainsi. C’est reposant.

- tu veux du café ? lance-t-elle à l’homme qui s’avance vers elle.
- Tu en as fait ?
Elle croit remarquer que le regard qui lui est tendu n’est pas aussi innocent qu’elle aimerait qu’il le soit.

- non mais je vais en faire. Répond-elle en se redressant.
- Ne bouge surtout pas. Je vais le faire, ça me réveillera dit-il en s’éloignant vers la cuisine.

Il va nous falloir des cigarettes pense-t-elle alors. Beaucoup de cigarettes si on veut arriver au bout de ce petit jeu….

jeudi, septembre 04, 2008

Another galaxy (2)

Le jour se lève.
Il ne fait plus nuit.
C’est un moment merveilleux qui signifie que le temps a passé sans trop créer de troubles.
L’horizon se devine un peu, après la ville que l’on domine de la grande baie.
Ce ne sera pas une belle journée, au sens où on l’entend souvent. Une brume grisâtre, semble bien décidée à se répandre un peu partout, à moins qu’il ne s’agisse simplement de ce moment où les ombres vespérales laissent place. Qui sait ?
Peut-être aura-t-on du soleil.

Ce n’est pas très important c’est sûr. La pollution répandra sa lourdeur enchanteresse quoi qu’il en soit et puis, de toute façon, il est probable qu’ils ne sortiront pas.

Sur la table reposent trois tasses, et un pot de café froid, ainsi qu’un cendrier qui n’est pas aussi plein qu’on pourrait l’imaginer, simplement à cause des kilomètres qu’il faut parfois faire pour se procurer des cigarettes.
L’odeur est malgré tout là lorsqu’elle pénètre dans le salon et elle se souvient, et elle regrette cette époque bénie des nuits passées à parler et à fumer dans l’insouciance de ses vingt ans. Avec un avenir et une géographie qu’elle croyait liés et assurés.

Elle avance et observe l’aube. Cela produit toujours un effet bizarre sur les gens. Il est toujours trop tôt pour se lever. Trop tôt pour se quitter. Trop tôt pour mourir.
D’autant plus étrange qu’au fond de soi on a toujours vingt ans, ou moins. L’époque où l’on pouvait parler et fumer sans fin est encore inscrite en elle. Elle relève ses cheveux et les noue en une queue de cheval éphémère qui se défait aussitôt et les cheveux retombent en une masse épaisse et lourde, à l’image de ce qu’elle imagine de son visage en ce matin, après cette nuit trop courte.
Elle ramasse la cafetière. Et les tasses et se dirige vers le coin cuisine, derrière le bar. Pose le tout dans l’évier puis retourne chercher le cendrier en regardant la ville au loin. Ce qu’ils ont perdu, ce qu’ils ont enfin perdu à jamais.
Au moment où elle ouvre la poubelle pour y vider le contenu du cendrier elle se ravise en apercevant un mégot qui est en réalité une cigarette presque entière. Elle sourit à ce qui lui passe par la tête.
Non bien sûr, ce ne serait pas raisonnable.

Mais à quoi bon être raisonnable, pour quoi faire enfin ?

Elle souffle un peu sur le mégot puis le malaxe légèrement afin de le redresser avant de repartir dans le salon et de prendre le briquet sur la table basse en plexi.
Elle se l’allume.
N’avale pas la première bouffée comme on lui a appris jadis qu’il était préférable de le faire puis aspire à nouveau et sent enfin la violence qui lui claque dans la gorge à ce moment précis où le monde se décompose. Une partie du monde qui explose.
Satisfaite, elle retourne dans la cuisine, puis en revient avec le cendrier encore sale des cendres de la veille, le pose sur la table. Elle referme son peignoir puis s’installe les genoux pliés sur le canapé orange.

lundi, mars 10, 2008

Another galaxy

Nous avons voulu croire que c’était possible. Nous avons voulu penser qu’on allait gagner, et en fait on a perdu.
Et ça je ne peux me l’expliquer.
Je ne comprends pas pourquoi, pourquoi l’homme a besoin de lutter pour continuer à exister. Pourquoi dans notre cas, nos sociétés ont commencé à se dématérialiser avec l’avènement de la facilité.

Je ne sais pas non plus. Mais il est vrai que nos progrès ont comme été concomitants du retour de l’obscurantisme.

Je ne sais pas si c’est un retour.

Moi non plus au fond.

Non c’est vrai, ce n’est sans doute pas un retour, mais plutôt une re-plongée. C’est-à-dire qu’on en sortait et que maintenant on y retourne. Mais comme tout le reste c’est faux bien sûr, car ces enragés, ces chiens enragés comme les appellent certains utilisent nos progrès, notre facilité à leurs fins obscures.

C’est certain, et il est vrai que c’est étrange.

Ce n’est pas le seul de leurs paradoxes, mais ce n’est pas le moindre.

C’est sûr. Mais c’est vrai que dès le début, dès que l’on a vu fleurir ou plutôt comment pourrais-je dire, dès que l’on a vu se multiplier les femmes masquées un peu partout dans les rues, les autobus, on a aussi compris qu’elles avaient une vie similaire à la nôtre. Prisonnières de leurs choix elles étaient sans doute, ainsi que de leur concubins, car en réalité ils ne sont souvent pas mariés selon nos règles, mais pas pour autant enfermées à la maison. Il fallait malgré tout qu’on les voit au Mac Do, ainsi que dans les parcs pour enfants, chez Ikea, enfin bref dans tous les lieux, voire les temples de la consommation. Même les plus infidèles, même les plus sataniques selon leur conception.

Eh bien oui, bien sûr. C’était une nécessaire adaptation.
Pour prendre place en profondeur dans un système il faut l’habiter, l’entrer de l’intérieur, sinon la force du groupe joue contre soi. Mais dès lors qu’on a le nombre et en plus la visibilité, alors les choses se font presque d’elles-mêmes.

Silence.

C’est amusant au fond, car cela va à l’encontre de toutes les théories du complot. C’est une démonstration par l’absurde de leur incohérence. Les desseins les plus nuisibles, les pires plans se font au grand jour, et il semble que c’est ainsi qu’ils prospèrent le mieux, qu’on leur fait place nette. Ceux-là même qui ont décidé de nous asservir le proclament haut et fort depuis des lustres. Mais les gens n’ont jamais semblé s’en inquiéter. Dans le même temps, ils ont réveillé des vieux mythes, vieux plus ou moins oubliés pour leur donner une seconde jeunesse à laquelle le plus grand nombre a vite semblé adhérer, alors qu’eux même faisaient sans se cacher, ce qu’ils reprochaient aux autres, mieux donc ils s’en vantaient et personne ne semblait relever l’ironie de cette situation. On préfère prêter aux autres ces velléités dominatrices tandis qu’un plan semblable s’exerce sous nos yeux.

Il y a là un mystère étonnant. C’est sûr, mais qui n’intéressera personne. Qui n’a intéressé personne surtout dans nos contrées.

Ben oui, surtout en France, il faut admettre que le terreau était prêt. Cela faisait quelques décennies maintenant que notre République était dissoute et que seules quelques traces d’une mythologie passée survivaient. Notre beau pays vivait d’une légende sur les traces d’une autre. Tout y était faux, inauthentique, plus un seul être humain capable de raisonner normalement. A croire que la raison justement avait déserté. Que le mensonge, que dis-je, la propagande avait fini par vaincre. Pas comme on aurait cru qu’elle le fît, pas immédiatement, mais en délayant ses fils invisibles dans les années à venir.

Je crois que j’ai perdu le fil justement. Je ne suis plus sûre de comprendre. On parle toujours de la même chose ?

Oui à peu près, mais ce que je veux expliquer c’est que c’était facile. La réalité comme les illusions avaient disparu, pour petit à petit laisser place à la facilité et aux restes de légende. Une légende partout ailleurs décriée, montrée au grand jour comme l’immonde totalitarisme criminel qu’elle avait été sauf ici.
Ici on faisait semblant d’être sur une autre planète.

Ailleurs, cet ailleurs merveilleux de la lutte des classes, transformée en 35 h00 et puis vite on ne comprit plus en quoi d’autre, mais en un autre avatar, tous issus du même paradigme, de la même illusion, du même mensonge, de la même propagande.
Sauf que.
Sauf que, lorsque la propagande se dissémine sur plusieurs générations, elle perd l’aspect de ce qu’elle est vraiment, elle devient la réalité.

C’est ce qui s’est passé.

C’est ce qui a permis la suite.

M.G ou...