mercredi, décembre 27, 2006

maigres fêtes















hard to tell or recognise a sign
to see me through a warning sign

first the thunder satisfied,
if the past it will not lie
then the storm torn asunder
the future you and I get blown away
in the storm in a lifetime
and as the rain it falls begin again,
as the storm breaks through heavy in my heart
believe the light in you
so the light shines in you without color,
faded and worn torn asunder in the storm

unless the sound has faded from your soul
unless it disappears

first the thunder selfish storm
then the storm hold on the inside
torn asunder one life in the storm
in a lifetime in a lifetime

lundi, décembre 11, 2006

Pour un monde meilleur (7)

Le débat s’enlise, enferme ceux qui cherchent une issue.
Elle sent bien qu’elle est à deux doigts de perdre le contrôle, de se lâcher : de se révéler.
Les échanges par mail avaient cet avantage au moins de donner le sentiment de pouvoir être parfaitement honnête, enfin si l’on oublie le décalage qu’impose l’écrit.
En tout cas dans ces échanges, elle pouvait choisir de dire ou de taire certains aspects, certaines vérités, et parfois certains mensonges aussi. Après quelques années, elle avait appris à se maîtriser. Elle s’était imposé quelques règles simples, comme ne jamais répondre tout de suite à un mail. Ne pas laisser l’affectif réagir, surtout dans un médium qui utilise l’écrit.
Alors, malgré la peur d’être localisée, elle avait réussi à apprécier la liberté de l’anonymat ou simplement de la non présence.
En live, c’est différent. Il faut se confronter au visage, à l’autre et à soi, dans ce qu’il nous reste de plus humain : la possibilité de se trahir. Rougir, déraper, lâcher une information que l’on s’est juré de taire.
Sans doute est-ce le plus douloureux. L’impossibilité de la confiance. Après avoir perdu ses amis un par un car la haine ancrée dans leur histoire était plus forte que l’affection pourtant réelle qu’ils avaient su jadis lui porter, elle se retrouvait au milieu de personnes dont elle partageait à priori les idées sans pour autant être sûre de leur bienveillance, et pire encore de leur réelle implication dans tout cela.
Il s’agissait de survie. Au sens le plus strict du terme. Il n’y avait pas de retour possible. Pour vivre il fallait désormais pouvoir exister. Justement parce que l’on avait cru avoir dépassé l’horreur, l’avait-on faite impossible. Elle était encore partout présente, mais il y avait comme une erreur dans l’équation. A l’ère de la technologie, du partage licite ou illicite des données. A l’heure où l’on avait consommé la mort des croyances et idéologies, on avait cru un instant pouvoir se penser égaux. Alors quel était ce destin stupide et commandité par la stupidité ?
Comment se pouvait-il que l’on soit disqualifié d’avance pour ce que l’on était ?
Survivre, exister, cela signifiait croire en ce non retour.
Alors qu’au fond d’elle, et de la plupart de ceux qui sont réunis autour de cette table en mélaminé, le retour est inéluctable.
Chacun le voit pour lui, ou pour l’autre, selon que ça l’arrange. Mais s’ils sont réunis ici, s’ils ont décidé un temps de quitter leur confort éternel, c’est sans doute parce qu’ils étouffent de ne plus pouvoir vivre.

Mais sont-ils tous de vrais « viveurs » ?
Comment être sûr qu’il n’y a pas des entrants, des sous-marins venus espionner cette simple entreprise de survie ? comment se confier tout à fait à ceux que l’on ne connaît pas vraiment, à qui l’on a simplement posé quelques questions par mail pour être sûr que l’on est dans le même camp ?
Comment également continuer à les avoir près de soi, ne pas les décourager. Encore il faut se modérer. Toujours se contenir. Souffrir en silence de l’étrange situation de ceux qui ont traversé l’écran. Car il serait pire que tout de se savoir vraiment seule. A cela elle ne veut pas se résoudre, elle ne veut pas croire qu’ils puissent n’être qu’une poignée. Alors elle retient ses mots, elle surveille les regards et les réactions en espérant secrètement qu’ils vont répondre de la manière dont elle aimerait qu’ils le fassent. Elle les observe et prononce intérieurement les mots à leur place. Elle attend de savoir, elle écoute les paroles versées inutilement dans l’espace ouaté, avec la douleur contenue de celle qui résorbe sa lucidité pour quémander un peu de tendresse. Non au fond, c’est l’inverse. Elle est tellement lucide qu’elle sait qu’il faut tout maîtriser pour ne pas se voir confronté à la réalité.
Pour ne pas mourir de douleur.

M.G

lundi, décembre 04, 2006

Pour un monde meilleur (6)

- A partir du moment où ça s’est mis à péter de partout, je crois que je me suis retrouvée dans le connu. Un peu comme le onze septembre vous voyez. Non vous n’avez pas l’air.
Moi, je n’ai pas été surprise le onze septembre. Enfin pas tant que ça. Moi ce qui m’a plutôt surprise c’est que ça n’arrive pas tous les jours ce genre de chose. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours vécu avec la crainte, et en particulier la crainte des attentats. Sans doute était-ce une crainte irraisonnée. La Peur.
La peur de tout. Aussi bien de prendre le train, que l’avion, que de se retrouver dans un édifice religieux que dans un grand magasin. Ce genre de peur quoi. Un espèce de sentiment exacerbé du danger de la vie. Ça remonte à l’enfance sans doute. Je percevais les faits divers comme possibles. Je les prenais en moi, et ils m’empêchaient un peu de vivre. Un peu seulement, sinon je serais devenue folle sans doute.
En tout cas tout cela me semblait faire partie de la vie, alors que j’avais bien conscience que les autres ne réagissaient pas comme moi pour autant.
Elle regarde autour d’elle. La lumière blafarde de la salle. Ce côté suspendu dans le temps, de ces locaux qui ont toujours su se passer d’architecte. Quelle importance après tout ?
Elle est tentée de laisser son regard passer de l’un à l’autre à ce moment, les observer, les sonder pour tenter de savoir ce qu’ils pensent vraiment. Mais non, elle ne veut pas perdre la parole, et ne doit pas se laisser distraire par le doute. Il suffit de ne pas trop lâcher, voilà tout.

- Enfin, je pourrais même dire que j’ai ressenti, non pas une satisfaction, mais comme l’envie de leur dire, vous voyez ? Mais je savais que c’était peine perdue. Je savais qu’au fond, ils préféraient largement être virtuellement épargnés du fait d’une politique lâche, consensuelle, et digne des plus pourris dirigeants de la planète. A peine s’étaient-ils mis à craindre un peu pour leur vie lorsqu’ils prenaient l’avion. Mais cela faisait partie du jeu peut-être. Je n’en sais rien. Enfin bref, le fait est que comme à Madrid, et encore plus ici, dans ce pays à l’âme vaguement collabo, on a remis la faute sur le « nouveau ». Un dirigeant qui dit les choses, ça dérange. Surtout à l’ère du confort. Et là encore, je n’en suis pas sûre. Je dis cela, car c’était mon métier à moi de donner du confort, de ce confort anesthésiant pour tous, enfin pour des privilégiés c’est sûr, mais pas seulement. Le confort c’était notre credo, à un tel point que j’ai fini par me sentir coupable. Enfin je m’égare.
C’était donc la faute du petit, si les attentats à nouveau touchaient la France. Comme si des attentats on en avait pas déjà dans nos banlieues et tous les jours. Il suffisait ensuite d’attendre le mot d’ordre la permission, mais tout était déjà organisé. S’il y a bien une chose que je peux reconnaître à ces incultes arriérés, c’est qu’ils ont réussi à percer toutes nos failles, et sont parvenus à se faire aider de tous nos idiots utiles. Et ça, c’est leur grande force.
Donc ça a recommencé dans le beau pays des droits de l’homme. Et en plus, on a commencé à voir la limite de notre système de charges sociales, du travail au noir, de petits patrons débordés gagnant le smic mais rêvant malgré tout d’avoir leur part du gâteau du confort, nos constructions ont commencé à présenter des malfaçons graves. Cela faisait quelques temps déjà, que je me disais qu’un jour, ça nous tomberait sur la gueule. Quand je voyais ce qui se passait sur les chantiers.
Enfin voilà, le paysage a commencé à ressembler à la réalité, telle que moi je la voyais vraiment. Les immeubles éventrés, les rues jonchées de gravas, les véhicules calcinés qu’on laisse des jours durant exposés à la vue des média étrangers, je n’ai d’ailleurs jamais compris pourquoi. C’était pas Beyrouth, encore que Beyrouth n’a jamais vraiment ressemblé à ce qu’on nous en montrait d’ici.
Non, c’était la France un pays déjà vieux, déjà un peu sale, et qui commençais à croupir sous ses débris.

M.G

lundi, novembre 20, 2006

Pour un monde meilleur (5)














Au fond, quand-est-ce que ça a commencé ?
C’est une question qu’elle s’est posée à maintes reprises. Il y a bien sûr eu l’épisode avec ce comique. Daniel n’est-ce pas… à moins qu’il ne s’agisse d’une autre fiction. Non c’était un autre, sans doute.
Elle s’est alors retrouvée sur des forums, d’une chaîne publique comme on disait alors. Les réactions étaient d’une violence inouïe, combien d’appels au meurtre y a-t-elle lu ?
Mais ce n’était pas le début, peut-être un révélateur, un peu plus dérangeant que les autres. Au fond il ne s’agissait que d’une continuité, peut-être même que cela avait commencé avant sa naissance, sans doute d’ailleurs. Mais lorsque le côté obscur se dévoile d’une manière de plus en plus évidente, il devient difficile de vivre, car chaque horreur passée prend alors un peu de réalité, et vient habiter la chair de ceux qui sont touchés. L’impeccable tableau du spectacle d’une vie, se retrouve fissuré de part en part. il faut ensuite s’accrocher fermement pour penser à nouveau, comme on l’avait fait jusque là, que l’horreur est passée, que l’horreur est un gage contre l’horreur, alors qu’elle en est devenu le prétexte.
Quand avons-nous lâché bon sang de bon sang. Et si ce n’était pas nous ?

C’est un peu difficile de s’accrocher aux choses désormais. Les tissus, les coupes, tout ressemble à avant, mais elle a un peu perdu l’habitude. Elle a fini par se fournir exclusivement sur Internet. Pour des raisons de commodités mais aussi parce qu’elle ne voulait plus prendre les transports en commun, et que la voiture, c’était aussi devenu impensable.
C’était avant le Test bien sûr, la période de non consommation, cette espèce de connerie à laquelle elle avait cru souscrire à un moment. Et depuis, elle achetait très peu, dans des circuits particuliers.
Elle est un peu désemparée. Non pas qu’elle sente précisément le vide entre ce moment et celui qui pourrait l’avoir précédé en ce même lieu, non, car franchement, on pourrait se croire au même endroit au même moment. Non. Encore une fois, c’est la rupture qui l’assaille, et l’empêche d’avancer. Le moment où les rêves ont échoué, où finalement on comprend que ce que l’on a voulu, non seulement n’est pas possible, mais n’est pas bon. Alors elle se laisse aller un peu, la gorge nouée. Regarde autour d’elle, autour de ces trahisons multiples. Pense à la mini-bombe dans son sac, qu’elle pourrait à tout moment activer.
Finalement les larmes ont le goût amer de la poésie avortée.
Soudain elle imagine…
J’imagine que nous avancions tous masqués, dans la rue, dans les boutiques, partout, enrubannés de noir, tels des Belphégor télescopés dans notre réalité post contemporaine. Ne serait-ce pas torride au fond.
Cela ressemblerait un peu à une version street d’Eyes Wide Shut. Ne serions-nous en effet pas nus sous ces voiles aussi inquiétants que troublants. Ainsi la partouze pourrait commencer. Tous inconnus aux yeux des autres, nous chercherions des coins dérobés afin d’accomplir notre tâche salace. Ce serait la débauche en bas de chez soi, partout, des gens ignorant tout les uns des autres forniqueraient sans relâche, pour la simple raison de n’être pas reconnus d’autrui.
Les enfants peut-être seraient épargnés, de cette envoûtante et répugnante danse de séduction pornographique.
Mais au fond, c’est bien de cela qu’il s’agit, d’une perversion plus basse que basse qui fait craindre l’autre, et n’a confiance que dans notre bestialité. Celles qui avaient peur des hommes jusque dans l’Hôpital (enfin c’étaient eux qui en avaient peur, leur impuissance leur saute à la gorge) n’avouaient-elles pas ainsi, que chez elles (chez Eux), il était impossible de se contenir, qu’une femme dénudée n’était rien d’autre qu’une proie.

Calme-toi Martha. Les prix n’ont pas bougé. Pense que ces pièces de tissus, sont les reliques de ta vie. De ton existence, et qu’il te faut t’y accrocher. Même si la trahison a bien eu lieu. Tu dois acheter les vêtements de ta jeunesse, et les emporter avec toi.


M.G

lundi, novembre 13, 2006

Pour un monde meilleur (4)

I won’t let you down, let you down again.

Rien n’a changé. Au premier regard, elle retrouve les sensations de cette jeune femme qu’elle est encore par certains côtés. Au fond on ne change pas, on se résigne sans doute un peu. On renonce à croire, et pire encore on renonce à convaincre, mais sans doute demeure-t-on l’adolescent qu’on a été, peut-être même l’enfant.

Les bâtiments sont les mêmes, certains ont changé, certaines enseignes se sont implantées, d’autres ont disparu du boulevard. Mais globalement, on est sur la même planète, on pourrait s’y croire en tout cas.
De petites âmes flottent dans l’air, partout, elle seule les perçoit. Elle ne peut les dire.
Elle a fini par comprendre qu’elle fait partie de cette caste des intouchables qu’on ne croira jamais plus, plus ici en tout cas. Elle pense non sans une certaine ironie à Sarah Connor. Mais ce sont finalement les images de cette jeunesse qui la submergent. Le Saint-Germain des Prés, elle se souvient d’y avoir vu Le Mépris, elle se souvient aussi du rouge à lèvres qu’elle portait ce jour là. Elle avait ensuite rejoint les Beaux-Arts et le cirque de ces jeunes gens animés par on ne sait quoi…
Le temps n’est pas long, le temps est court. Pour que l’on puisse se souvenir plus de vingt ans après d’un stupide apparat. Myriam encore, une vocation de modeuse.
Une vocation d’architecte, un emballement à couper le souffle, y croire, s’en nourrir, ne désirer que cela. Orienter sa vie en fonction de sa passion, puis découvrir que l’on est dans un pays mort, sans passion justement. Un pays dont les motivations sont gavées d’idéologies passées et défroquées qui plus est. Plus nauséabondes qu’il est permis de le croire, et pourtant. L’injustice n’est pas humaine, elle est française. Elle l’a été et le sera encore. Bon, il est temps d’arrêter de ressasser. Cela ne rajeunit pas justement. Evacuer les souvenirs, joyeux malgré toute leur incongruité de moments d’un espoir vain. Elle n’a pas été malheureuse depuis, au contraire. Simplement se demande-t-elle à quoi ça sert. Pourquoi un tel ratage. Pourquoi la France échoue-t-elle toujours à être ce qu’elle croit pouvoir être ? qu’est-ce qui fait le terreau d’un pays, qui le pousse à toujours revenir sur ses erreurs passées, y a-t-il un Destin National ?
De toute façon, personne ne voit rien, à part Sarah Connor, comment de cinéphile qu’elle a été, peut-on devenir Sarah Connor?
En quittant la gauche sans doute.
D’abord ce magasin qui portait un nom japonais et ne vendait que des pièces de créateur. Elle avance, les souvenirs sont trop forts. Combattent en elle.
D’accord pense-t-elle.
C’est vrai, ce quartier, cette école, tout cela n’est pas anodin, une partie de ma vie a commencé ici. Vous voulez quoi ? une sorte de reconnaissance, c’est ça ?
Ok, je vous la donne, je vous donne cette reconnaissance de ma vie. De ce futur que vous avez orienté, tenté de pervertir comme vous avez pu, mais qui m’a donné du bonheur, sans doute. Mais ce n’est pas la fin. Non
Il y en aura encore. Je brave le danger de vos bombes, de vos attaques pour vous dire merde, pour vous signaler que vous ne pouvez pas gagner à chaque fois.
Notre intelligence vaincra contre vos stupides.
Ces bouffées qui me reviennent m’indiquent simplement que je peux quitter ces terres, j’emporterai avec moi quelques bons moments, de quoi me souvenir encore. Que j’ai eu la chance de vivre ma jeunesse à une époque de relative prospérité, de paix, de modernité.

« Bonjour ».


Finalement elle entre chez Agnès B.
On ne trahit pas aussi facilement ses anciennes amours.

M.G

mardi, novembre 07, 2006

Pour un monde meilleur (3)

Cela ne ressemble pas exactement à ce qu’elle a connu.
Elle est une jeune étudiante timide et fauchée, qui pénètre à reculons dans ces lieux qui inspirent la crainte d’être rejetée. De grandes vendeuses blondes habillées de manière étrange l’accueillent, qui semblent dire « petite tu n’es pas à ta place ». Eventuellement à l’heure des soldes osait-t-elle s’y aventurer, avec cette autre, une certaine Myriam, dont elle n’a jamais réussi à percer le mystère des revenus. Par quel miracle, puisqu’elle n’était vraisemblablement pas nantie (n’avait-elle dû pas travailler comme guide au Louvre, payée au smic) parvenait-elle à garnir de manière aussi récurrente une garde robe riche en pièces de « créateurs » au prix indécent. Plusieurs hypothèses s’offraient à elle, soit elle recevait une rente d’une vieille tante sans descendance, soit, et cette version possédait l’avantage d’éclairer vaguement le comportement trouble de la jeune femme, celle-ci échangeait ses charmes contre quelques pièces rares et chères. En gros Myriam était une pute d’un nouveau genre.
Grande, blonde et effacée, elle affichait une discrétion qui la faisait presque disparaître aux yeux des autres, sauf à ceux à qui la mode parlait. Alors remarquait-on ce visage harmonieux, au teint diaphane, et ce corps un peu fort, magnifiquement dissimulé dans cette élégance presque trop parfaite de retenue. Car la jeune femme ne possédait aucune forme de vulgarité autre que celle connue de quelque oreille aussi indiscrète qu’informée : elle s’alcoolisait à outrance à chaque soirée d’étudiants, et finissait ensuite dans le lit d’un quelconque connard qu’elle espérait sans doute conquérir ainsi, alors qu’il l’ignorerait sans superbe le lendemain, ou les jours suivants.
Ensuite, elle traînerait son incompréhension, et sa grande dépression dans les couloirs immondes de cette école d’architecture dont l’indigence des locaux ne pouvaient que produire de futurs professionnels incompétents. Alors elle chercherait la compagnie de cette autre solitaire, qui elle aussi cherchait l’amour, à moins qu’elle ne l’aie trouvé, c’est une autre histoire. Et cette autre, jamais n’oserait lui dire que son comportement n’était pas digne de ce physique exceptionnel, de cette intelligence évidente empêchée par cette gravité inepte. D’autant qu’elle n’était pas sûre au fond, qu’il soit interdit de s’éclater ainsi, de coucher avec qui bon vous semble, de perdre son humanité à se traîner dans les humidités de sécrétions accidentellement versées sur le sol déjà souillé de quelque bar, de quelque salle en sous-sol, de quelque lieu glauque que les jeunes aiment à fréquenter sans crainte. L’époque était plus sereine, à peine avaient-il eu quelques raisons de s’inquiéter au moment de la première guerre du Golfe, mais cela n’avait pas duré. Ils pouvaient s’éclater dans un monde sans « principe de précaution ». Déverser ce trop plein d’eux-mêmes vers qui voulait l’entendre, se vomir jusqu’à n’avoir plus que la peau à retourner. Vivre cette jeunesse désenchantée dans les excès qui leur étaient permis. N’exagérons rien tout de même. Le Sida, le chômage, la fin des grandes idéologies avaient atteint ce que jeunesse avait pu. Espérer dans l’innocence.
Myriam s’éclatait dans ce désespoir qu’elle représentait si bien, se noyait dedans jusqu’à disparaître, jusqu’à laisser ces jeunes animaux humilier ce corps qu’ils ne faisaient sans doute pas jouir, mais qui jamais ne parviendrait à cette conclusion évidente : ils se servent de moi. Je ne suis qu’un inutile trophée. Je ne suis qu’un meuble dans ce lieu sans âme, résidu d’une autre époque que seul le deuxième cycle des écoles de France aura réussi à maintenir en vie. Ce vieux trotskisme décadent, incapacitant, inutile et malfaisant, dont l’hypocrisie dépassait toute raison.
La logique ne trouvait aucune place là où l’imbécillité avait assis son règne.
Dans le lieu où le temps n’a pas cours, une île en ce beau pays de France où le reste est effacé, comme par magie, rien ne compte, sinon ce spectacle qui ne se soucie que de lui-même.
Myriam savait, mais était trop faible pour lutter. La noirceur des années à venir l’avait déjà recouverte elle, par avance.
M.G

jeudi, novembre 02, 2006

Pour un monde meilleur (2)

Profiter encore un peu, de ce que l’on avait appris à apprécier, comme un bienfait, espérant en rejeter la culpabilité, et se promener encore, comme à vingt ans, dans un petit blouson en cuir serré, avec un joli sac très chic, en rêvant à de beaux espaces. Oubliant que la poussière partout venait recouvrir l’avenir auquel elle avait cru sans se poser de questions, soulevant de ci de là quelques maigres indices, qui ne venaient que perturber très faiblement le sens du progrès. Ce vers quoi, en cette fin de vingtième siècle, où l’on pensait avoir dépassé définitivement l’horreur, on croyait avancer enfin : un individualisme heureux, relativement charitable toutefois, aveugle un peu sans doute, mais non. Ce n’était pas notre faute. Ce n’était pas la faute de nos parents. Ils étaient nés au réveil du cauchemar. Ils n’avaient qu’à prendre la beauté d’un tel réveil pour argent comptant. Et n’allez pas croire que c’était facile. C’était juste incontournable. C’était cela le sens.
Et elle voulait continuer, comme ses parents, obtenir, gagner, accumuler. Et cela non plus n’avait pas été facile, car la France déjà était un pays entravé. Travailler et faire travailler, était même devenu impossible ou tellement pénible que l’on finissait par se dire que tout faisait partie d’une entreprise volontaire de sape qui n’aurait d’autre but que de précipiter le pays à sa perte, et d’en finir enfin.
La belle âme gauchiste avait continué à attacher ses boulets un peu partout au point qu’aujourd’hui, en ces heures critiques où l’on cherchait la liberté partout où elle pouvait se trouver on finissait par se demander si pensée de gauche avait un jour été positive. Finalement, penser à l’autre, n’était-ce pas ne pas lui vouloir de mal, point ?
Je ne vous hais point, démerdez-vous.

Elle avait eu de l’ambition, elle avait travaillé dur, pour ses études et aussi pour gagner un peu d’argent. Elle avait cru qu’avec talent et surtout volonté on pouvait espérer sortir du lot des ratés par avance que l’on envoyait à la fac ou à l’école pour les occuper tout au plus, en leur faisant perdre leur temps en réalité, dans ces cours dispensés par des médiocres qui eux-mêmes compensaient leur échec en fournissant quelques heures plus ou moins grassement rémunérées à ce qui osait se prétendre une école.
Zoo était plus juste.

Il restait peu de temps avant le départ. Alors elle jouirait encore. Quelques jours à peine, irait-elle arpenter les rues de la capitale, sachant que c’était peut-être pure folie. Mais elle devait le faire. Encore un peu se rendre dans ces boutiques qui avaient envahi son imaginaire depuis l’époque où elle étudiait aux Beaux-Arts jusque très récemment. Elle braverait le danger encore un peu, elle résisterait pour acheter encore quelques vêtements, une part de rêve pour partir digne, élégante — se plaire. Finalement la consommation de masse n’était-elle pas une démocratisation de ce à quoi seules les élites pouvaient jadis prétendre.
Le droit de se croire supérieur aux autres ou en tout cas de se rêver tel, de vouloir se vêtir de manière aristocratique afin d’échapper à un prosaïsme déprimant, plus encore en ces heures sombres.

M.G

jeudi, octobre 26, 2006

Welcome

Bienvenus dans le Laft Project*, fiction live empruntant plusieurs voies ou supports. Ni vous, ni nous ne savons précisément où elle nous mènera, mais là n’est pas l’intérêt de la chose. Ce qui importe sera de cheminer à plusieurs dans l’inabouti, et pourtant d’en tirer profit. D’avancer, de tester, de manière littéraire et manuelle la possibilité de créer, de dire, et de faire réagir, sans pour autant avoir la prétention de réussir.
Ce blog se veut un lieu du décalage, de la discrétion, mais il ne vous sera pas interdit de réagir de la manière la plus concrète qui soit, en commentant par exemple l’actualité ou en suggérant à nos auteurs ou intervenants de suivre telle ou telle voie.
Ce blog a un but qui vous sera révélé au fil de son évolution, à moins qu’il ne s’agisse d’un leurre de la fiction.
Nul ne le sait encore.

Les réactions seront cependant contrôlées. On appellera cela censure si l’on veut. Il s’agit plutôt de comprendre que les réactions participent au fil de la fiction, certaines seront d’ailleurs publiées en page si nécessaire, elles doivent donc s’adapter à la ligne générale du blog, sans pour autant être forcément en parfaite adéquation avec tout.
Mais, nous n’avons pas l’illusion de convaincre nos ennemis et leurs idiots utiles, alors pour ne pas perdre de temps, nous évacuerons les déchets, parfois nous contenterons-nous si c’est nécessaire d’en extraire le jus et de vous le communiquer, en page ou par mail.

A suivre donc.

lundi, octobre 16, 2006

Il s’agissait de ne pas mourir, pour pouvoir jouir encore.
Jouir plus que d’ordinaire car la mort était proche, son odeur enveloppante s’insinuait dans chaque parcelle de liberté qu’ils avaient abandonnée.
Ce besoin devenait physique, comme la peur de manquer, de ne plus jamais sentir, sentir avec ce peu d’humain qu’il nous restait.
Sans doute avions-nous cru que c’était mal. Par notre éducation d’un autre âge se transmettaient des frustrations ou des blocages, sans doute, mais cela n’avait pas d’importance, peut-être était-ce cela la morale, nous en avions eu besoin.
Mais aujourd’hui que c’étaient eux qui voulaient nous l’interdire, il nous fallait en prendre le droit, et le devoir. Notre devoir d’adultes dans un monde habité par des enfants, de tailles diverses sous l’emprise d’une seule parole aux nombreux visages.
Il fallait aussi en finir avec l’optimisme de nos petits soldats zélés. Non rien ne changerait. Tout était en train de pourrir sur place. Et si elle avait cru un jour vouloir ou pouvoir mourir pour une cause, ce jour était passé, d’autres envies lui étaient venues depuis. D’autres nécessités. Comme celle de les laisser découvrir par eux-mêmes, ce qu’ils avaient sans le savoir appelé de leur vœux. Il restait une crainte toutefois, l’Histoire repassait non seulement les plats, mais elle avait cette nouvelle manie, elle voulait effacer les précédents. En effaçant l’Histoire ou en la soustrayant au jugement, on ôtait à tous ses spectateurs, puis à leurs descendants toute lucidité, à moins qu’il n’existât une lucidité immanente, chez certains qui seraient comme des guides, sortes de Néo, dans la Matrice faite monde. Rien n’était moins sûr.
Pour l’heure, on préparait sagement leur aveuglement futur, noyé dans ce confort qu’ils pensaient éternel et indestructible. C’était cela le totalitarisme.

M. G.