lundi, décembre 04, 2006

Pour un monde meilleur (6)

- A partir du moment où ça s’est mis à péter de partout, je crois que je me suis retrouvée dans le connu. Un peu comme le onze septembre vous voyez. Non vous n’avez pas l’air.
Moi, je n’ai pas été surprise le onze septembre. Enfin pas tant que ça. Moi ce qui m’a plutôt surprise c’est que ça n’arrive pas tous les jours ce genre de chose. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours vécu avec la crainte, et en particulier la crainte des attentats. Sans doute était-ce une crainte irraisonnée. La Peur.
La peur de tout. Aussi bien de prendre le train, que l’avion, que de se retrouver dans un édifice religieux que dans un grand magasin. Ce genre de peur quoi. Un espèce de sentiment exacerbé du danger de la vie. Ça remonte à l’enfance sans doute. Je percevais les faits divers comme possibles. Je les prenais en moi, et ils m’empêchaient un peu de vivre. Un peu seulement, sinon je serais devenue folle sans doute.
En tout cas tout cela me semblait faire partie de la vie, alors que j’avais bien conscience que les autres ne réagissaient pas comme moi pour autant.
Elle regarde autour d’elle. La lumière blafarde de la salle. Ce côté suspendu dans le temps, de ces locaux qui ont toujours su se passer d’architecte. Quelle importance après tout ?
Elle est tentée de laisser son regard passer de l’un à l’autre à ce moment, les observer, les sonder pour tenter de savoir ce qu’ils pensent vraiment. Mais non, elle ne veut pas perdre la parole, et ne doit pas se laisser distraire par le doute. Il suffit de ne pas trop lâcher, voilà tout.

- Enfin, je pourrais même dire que j’ai ressenti, non pas une satisfaction, mais comme l’envie de leur dire, vous voyez ? Mais je savais que c’était peine perdue. Je savais qu’au fond, ils préféraient largement être virtuellement épargnés du fait d’une politique lâche, consensuelle, et digne des plus pourris dirigeants de la planète. A peine s’étaient-ils mis à craindre un peu pour leur vie lorsqu’ils prenaient l’avion. Mais cela faisait partie du jeu peut-être. Je n’en sais rien. Enfin bref, le fait est que comme à Madrid, et encore plus ici, dans ce pays à l’âme vaguement collabo, on a remis la faute sur le « nouveau ». Un dirigeant qui dit les choses, ça dérange. Surtout à l’ère du confort. Et là encore, je n’en suis pas sûre. Je dis cela, car c’était mon métier à moi de donner du confort, de ce confort anesthésiant pour tous, enfin pour des privilégiés c’est sûr, mais pas seulement. Le confort c’était notre credo, à un tel point que j’ai fini par me sentir coupable. Enfin je m’égare.
C’était donc la faute du petit, si les attentats à nouveau touchaient la France. Comme si des attentats on en avait pas déjà dans nos banlieues et tous les jours. Il suffisait ensuite d’attendre le mot d’ordre la permission, mais tout était déjà organisé. S’il y a bien une chose que je peux reconnaître à ces incultes arriérés, c’est qu’ils ont réussi à percer toutes nos failles, et sont parvenus à se faire aider de tous nos idiots utiles. Et ça, c’est leur grande force.
Donc ça a recommencé dans le beau pays des droits de l’homme. Et en plus, on a commencé à voir la limite de notre système de charges sociales, du travail au noir, de petits patrons débordés gagnant le smic mais rêvant malgré tout d’avoir leur part du gâteau du confort, nos constructions ont commencé à présenter des malfaçons graves. Cela faisait quelques temps déjà, que je me disais qu’un jour, ça nous tomberait sur la gueule. Quand je voyais ce qui se passait sur les chantiers.
Enfin voilà, le paysage a commencé à ressembler à la réalité, telle que moi je la voyais vraiment. Les immeubles éventrés, les rues jonchées de gravas, les véhicules calcinés qu’on laisse des jours durant exposés à la vue des média étrangers, je n’ai d’ailleurs jamais compris pourquoi. C’était pas Beyrouth, encore que Beyrouth n’a jamais vraiment ressemblé à ce qu’on nous en montrait d’ici.
Non, c’était la France un pays déjà vieux, déjà un peu sale, et qui commençais à croupir sous ses débris.

M.G

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