jeudi, avril 26, 2007

Pour un monde meilleur ? (22)

"finalement, je cède...un peu."


L’homme l’a quittée. Elle reste là. Assise. Désœuvrée et perplexe, elle se demande comment il lui a été possible de pénétrer un anachronisme.
Le jour décline légèrement, et l’objet est là, qui la regarde presque. Sorte de cercueil de luxe pour les hommes qui ne seront toujours que les instruments d’un destin aussi ironique qu’il n’a pas de sens. Il lui reste des choses à prévoir, imaginer, calculer. L’issue approche. Terrible de cette douceur que perçoit celui ou celle qui peut-être s’est trompé, mais n’en saura jamais rien. Elle devine le ciel pâle qui s’assombrit derrière le carreau cassé. Ce ciel sera son compagnon jusqu’à la fin des jours. Alors qu’elle s’était vue bâtisseuse, elle ne pourra qu'assister volontairement impuissante à la fin de ce monde qui se détruit peu à peu, et va disséminer ses restes dans l’univers vide et froid. Perfide existence que celle qui vous plonge dans une activité dont l’évolution des choses vous prouve qu’elle est trompeuse, voire inutile.
Construire des armes, voilà qui aurait été utile. D’ailleurs il était question d’en intégrer à chacune des cellules, mais c’était trop cher, on a trouvé autre chose.

Elle n’a pas osé appeler Yohan. Pensait que peut-être il l’aurait fait. Ne comprend pas, ou comprend trop bien… si au moins elle avait un paquet de cigarettes, elle resterait ainsi assise à fumer, à goûter ce temps de silence et de rien qui lui a tant de fois manqué. Et si elle passait la nuit là, seule, et reprenait le train demain ?
Sans réfléchir, elle se lève et attrape un stylo et le cahier qui sont restés posés dans un coin, sur un vieux plan de travail. Puis elle revient s’asseoir, s’installe lentement, inspire et se met à écrire.

« Si on s’était promis la lune, on comblerait notre défaillance par nos silences, mais nous n’avons rien émis, aucun pacte, aucun mot qui puisse justifier une quelconque déception, si ce n’est celle de n’être que des humains véritables… alors en toute lâcheté, j’aimerais rompre le silence de cette abnégation factice…

Je crois sentir que tu attends mes mots sans savoir les convoquer ou les motiver autrement que par une absence très pleine, très ouatée qui grossit avec les jours, avec les heures, les minutes, les secondes de la journée, turgescence éloignée et qui pourtant projette ses effets dans les esprits d’autres, d’une autre à qui elle s’a-dresse. Alors les mots, sans honte, sans retrait se libèrent et coulent d’une source abstraite vers un espace irréel, inexistant et qui pourtant contient la seule turgescence possible… permise et souhaitable. Lorsque l’on a compris que l’existence ne valait qu’en conjectures et rêveries, alors…. »

Il est tard.

M.G

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