lundi, avril 02, 2007

Pour un monde meilleur ? (19)

Cela faisait maintenant à peu près un mois qu’elle avait rencontré Yohan. Par un hasard étrange, il était ami avec un des premiers participants de l’aventure qui s’était depuis retiré, persuadé que des gens en voulaient à sa famille. Au moment de partir donc, et à une heure où il pensait que certains des participants pouvaient ne pas être fiables, n’étant sans doute que des saboteurs, Jean avait indiqué à Martha l’existence d’un réseau. Il s’agissait d’un jeune philosophe assez connu d’ailleurs qui avait entraîné quelques personnes dans une aventure autrement plus audacieuse que la sienne : ils voulaient lutter, et peut-être prendre les armes.
Tout ce contre quoi elle résistait depuis des années, depuis qu’à force de raison et de résignation imposée par les autres, elle avait décidé qu’il ne servait plus à rien de combattre pour ce pays traître et assassin.
Jean avait pourtant bizarrement insisté pour qu’elle se rende à une des conférences du jeune homme.
Il les avait présentés.
Depuis son attitude étrangement bienveillante à son égard l’avait d’abord intriguée puis obsédée au point qu’elle ne pensait plus qu’à cela. Parfois elle se demandait même s’il n’était pas aussi une taupe, un envoyé dont la mission serait de dynamiter tous les groupes de résistance ou de non soumission à l’occupant.
Alors qu’elle l’avait d’abord pris pour un fat personnage, relativement immature, enfin assez pour n’être en proie à aucune réalité, sauf celle de sa pensée, il avait commencé à lui manifester des marques d’intérêt qui ne pouvaient qu’éveiller chez elle des réflexes enfouis, troubles depuis longtemps évacués de sa pauvre tête. Une certaine admiration a commencé à naître pour l’homme dont elle ne connaissait pas la pensée mais enviait l’élocution, l’aisance. Il ne restait cependant pour elle qu’un gamin, doué sans doute, courageux, mais n’ayant au fond aucune idée de ce vers quoi il avançait réellement. Les rares fois où elle avait pu lui parler, il lui balançait des phrases étranges, d’une gentillesse inappropriée, qui ne pouvait que sonner faux. Ce type était soit un parfait bonimenteur, soit un idiot qui n’avait toujours pas compris qu’on ne donnait pas son amitié aussi facilement. Ou bien avait-il simplement pitié d’elle. Peut-être était-ce de là qu’était partie son obsession. Puisqu’il ne fallait pas qu’il s’agisse d’un sentiment aussi vain et inutile, il y avait forcément autre chose. C’est alors qu’elle découvrit, à plus de quarante ans, qu’elle préférait encore qu’on l’aimât pour son physique que pour ses qualités intellectuelles ou son engagement, qui n’en était en plus pas un. Enfin, ce n’était même pas son physique qu’elle voulait qu’on appréciât, c’était plutôt son intimité qu’elle espérait qu’on désirât encore. Ce n’était pas du sexe, pas de la libido. Elle espérait que quelqu’un, quelque part était encore capable de la voir.
Elle n’était pas dupe cependant, mille explications pouvaient encore éclairer cet intérêt de plus en plus manifeste. La plupart n’étaient pas d’un romantisme absolu. Mais lorsque l’on approche de la fin de sa vie, qu’est en somme la fin définitive de sa jeunesse, on peut sans doute se contenter de peu.
Se contenter de se laisser séduire par la seule personne qui ose encore vous regarder.

M.G

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