mardi, octobre 02, 2007

Pour un monde meilleur (36)


Soudain, sans qu’elle n’en perçoive la raison l’ivresse s’envole. Devant ce ruban de métal qu’elle devine s’étirant à perte de vue dans la nuit vague et il y a une seconde encore magnifique, ses esprits lui reviennent comme s’ils ne l’avaient jamais quittée. Elle ne sait pas très bien ce qu’elle fait là, mais une chose comme un pressentiment lui indique que la romance est terminée.
Nous ne sommes pas là pour ça.
Elle comprend alors qu’il est nécessaire qu’elle redevienne l’aînée, la femme qu’elle pensait être la première fois qu’elle a croisé Yohan. Une femme à peu près sûre d’elle en apparence, dont il ne reste de la libido qu’un vague souvenir, une trace un peu épaisse dans la chair et dans la tête, comme une chose dont on a aimé savoir l’existence tout en sentant que le jour où cela se calmerait, cela ne ferait pas de mal, au contraire.
Un petit regret cependant semble vouloir la retenir encore faiblement dans la perspective de la rencontre, l’instant où enfin se précise l’aura de sensations qui nous habite depuis des semaines voire des mois, la minute où l’autre confirme tout ce que l’on a cru, sans pouvoir en être vraiment assuré. Si la raison l’appelle à reprendre son habit de personnage humain, peut-être son cœur ou une chose proche semble ne pas pouvoir s’y résoudre, comme s’il ou elle sentait qu’après cela, les choses seraient différentes, impossibles même.
Mais nous sommes là, ensemble face à cette frontière en métal.

Elle l’interroge du regard. Il répond par un sourire, puis dit à voix basse : tu vas voir. Il avance lentement puis se baisse légèrement tout en tâtonnant sur le métal avec sa main gauche. Il l’appelle.

Martha.

Elle trésaille à l’entente de son prénom. Puis avance doucement pour le rejoindre.

- tu vas passer d’abord, lui dit-il en soulevant un pan de tôle, laissant apparaître un passage minuscule.
Martha pense à son manteau neuf acheté exprès pour la rencontre de ce soir, un moment tant attendu. Une essence de temps dont on fait un diamant brut à regarder, à sentir contre soi, comme ultime but avant l’abandon.


M.G

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