lundi, septembre 10, 2007

Pour un monde meilleur (35)

- Viens je voudrais te montrer quelque chose…
Yohan a peur de se trahir mais ne peut résister à cette attraction comme une trop évidente confiance.
Martha est un peu saoule de fatigue mais tellement intriguée de la brèche qui s’ouvre devant elle, comme un infini trompeur… Il est très tard, la nuit est profonde et fraîche, emplit ses poumons d’une odeur qu’elle n’a pas sentie depuis des années. Depuis des siècles peut-être. Il marche devant, son grand corps longiligne se fond dans la nuit, vibre à peine devant elle. Les trottoirs étroits ne leur offrent pas la possibilité d’être côte à côte. Elle se dit que c’est bien, c’est mieux ainsi. Avant de quitter le café tout à l’heure elle a acheté un paquet de cigarettes.
C’était bon de fumer à 15 ans, de se croire tout permis. Allumer une cigarette à quatre heures du matin et se déchirer la gorge alors qu’on devrait sans doute dormir car au retour de ce séjour en Angleterre il y a une interro de maths. Elle s’en souvient comme si c’était hier. C’est pareil à présent. Cette liberté factice elle la prend, elle la vole et s’en empare comme d’un objet, une chose que l’on garde et qui bien souvent vous survit.

- hé Yohan, tu veux une cigarette ? Comme c’est drôle de se lâcher…

Il se retourne et lui sourit..

- non je te remercie. J’en ai de toute façon. D’ailleurs tu as été ridicule d’en acheter.

Elle ne l’écoute plus et s’applique à ouvrir le paquet, enlève d’abord le film plastique sur la partie haute comme le lui a appris son mari à une époque où il n’était que son copain, puis enlève la papier métallisé et enfin attrape le petit cylindre blanc et beige, doux et si léger.

- Hé Yohan c’est encore moi, en fait j’ai pas de feu.

Il s’arrête, prêt à rire carrément semblant dire : je le savais…. Il la laisse s’approcher et allume sa cigarette tout en maintenant ce sourire délicieux, d’une douceur à nulle autre pareille. Elle inspire, l’adolescente inspire puis recrache la fumée vers l’homme qui ce soir a son âge sans doute.

- Dis-moi demande-t-elle cette fois tout bas, d’un ton très posé…
- Oui…
- On va où ?
- On est presque arrivé…
- Oui, mais on va où ?…
- Sois patiente, tu ne seras pas déçu.

Cela fait maintenant un bon quart d’heure qu’ils marchent ainsi, elle croit reconnaître au loin le quartier de la Très Grande Bibliothèque, nommée plus tard bibliothèque François Mitterrand, en France on a la furieuse manie de s’accrocher à ses mythes…

- nous arrivons lui glisse-t-il à voix basse.

La cigarette est terminée, l’adolescence s’enfuit s’il est possible qu’elle le fasse, et l’angoisse semble prête à reprendre ses droits… une angoisse jouissive qui la renvoie une fois encore à des heures révolues. Mais que fera-t-elle réellement s’il l’approche, mon dieu, non, elle se laissera enlacer et ce sera tout.
Pour le moment tout au moins… et puis s’il, enfin s’il s’approche…

Soudain la voici face à une paroi en tôle, bac acier d’une couleur qu’elle ne perçoit pas dans la pénombre. Une clôture qui semble abriter un chantier.


M.G

Aucun commentaire: