lundi, juin 04, 2007

Pour un monde meilleur ? (26)

La volonté de produire des choses en vue d’un but bien précis relevait sans doute de la même vanité que celle qui consiste à se chercher un charme dans un miroir jour après jour, et de constater que ce charme disparaît, ou est remplacé par autre chose, jusqu’à ce qu’il n’en reste rien bien sûr. Rien que de quoi susciter de la pitié ou de l’agacement ou les deux, ce qui nous pousse parfois à penser que les vieux seraient mieux sous terre qu’à nous faire chier ici avec leurs problèmes alors que nous en avons tant nous-mêmes.

Pourquoi sommes-nous dévorés par notre ego, alors même que nous croyons en avoir si peu…Quelle est cette recherche de reconnaissance partout où l’on peut la dénicher, qui se fait de plus en plus tenace, de plus en plus envahissante ? bien sûr…
Nous ne voulons pas mourir, tout simplement, ou en tout cas pas trop vite, pas avant d’avoir « accompli » certaines choses, ce qui revient à dire que plus on avance en âge, plus on ressent le besoin d’exister, suivant des formes différentes.

Bien sûr qu’elle était fière de ce projet, et qu’elle aurait aimé le voir s’étaler sur des doubles pages de revues plus ou moins confidentielles, plus ou moins prétentieuse, assez en tout cas pour conférer à ce qui y est montré un caractère d’honorabilité non discutable. Elle qui n’avait jamais eu goût ni pour la compétition, ni pour la publicité réalisait finalement qu’un tourbillon parfaitement humain, et sans doute pour cela dégradant l’y avait conduite avec une facilité désolante. Plus elle était avancée dans les années, plus elle avait voulu tout cela, à défaut d’autre chose peut-être, mais il lui fallait avoir la satisfaction de montrer, d’exposer son travail, comme si ainsi réellement il prenait vie. Ce n’était pas à l’usage qu’il acquérrait son permis d’être, non c’était à l’image. Cet espère d’ombre inutile qu’il projetait sur le monde. Au moins l’impact en était-il parfaitement anodin, enfin sur le paysage, et sur les esprits aussi sans doute, soyons raisonnables. Le métier était devenu tellement stupide, tellement impraticable au pays de l’ « exception culturelle » qu’il fallait trouver une maigre compensation à ces heures perdues à se battre contre le rien de moulins à vents qui n’existaient que par leur pouvoir de nuisance.

Elle avait produit une chose remarquable cette fois. Elle en avait la certitude profonde. Ce petit objet. Ce petit véhicule roulant ou mouvant qui se fondrait bien vite dans un paysage en décomposition tandis que ses habitants se laisseraient aller à une vie nouvelle possédait une beauté quasi-indéfinissable.
Il consacrait la fin du monde.

M.G

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