mardi, mars 20, 2007

Pour un monde meilleur ?(17)


La nuit est agitée. De visions d’abord, puis de doutes incandescents. Comme une prison à laquelle on tente d’échapper par n’importe quel moyen tout en sachant qu’aucune libération n’est évidemment possible.
Au moins existe l’image, la possession du désir, énorme avantage de celle qui vit encore, et se sait pouvoir exulter. Les songes abritent leur lot de péchés, tandis que les moments d’éveil rattrapent bientôt la quiétude de ne pas trahir, de simplement se laisser effleurer par une pensée amie, un réconfort bienveillant.
S’il en est ainsi, c’est que sans doute, au fond de l'homme, une chose a pu se développer.
Il s’est laissé toucher par elle, emporter dans quelque intime trait de son caractère, qui lui aura plu, sans doute. Si cette nuit précise est envahie de tant de présence, elle le sait, cela signifie qu’une chose a eu lieu.
Elle se rendort cette fois pour se perdre dans les méandre d’un appartement étrange, une fiction d’appartement où les seules pièces fréquentées ressemblent toutes à des laveries. Immenses salles de bains, emplies de grands paniers en métal sur roulettes dans lesquels gisent quelques serviettes blanches. Il la plaque contre un mur. Il appuie sur son corps avec une force volontaire.
Il s’agit de l’appartement d’un grand-père, étrange absent.
Puis encore elle se réveille, oublie son visage, replonge dans ce doux délire que l’alcool aide un peu sans doute. Elle s’éloigne de tout. La nuit avance sans elle.
Pourtant une volonté implacable émane de ces images qui sont sans doute autant de pensées réunies en une seule : un homme peut aimer une femme pendant quelques minutes, quelques heures tout au plus. Ensuite advient la lente et douce usure des corps et des esprits, qui s’apparente finalement à un contrat, un pacte entre deux âmes : l’une souvent égarée l’autre souvent écervelée. Parce qu’ils se sont plu, qu’ils se sont dit oui, à un moment de fièvre, ils décident de se soutenir sur le chemin de la fin, par une aménité inquiète et résignée aussi. Mais les rares minutes, vécues ou fantasmées ne peuvent-elles pas à elles seules emplir une vie de l’espoir de les sentir encore, avec l’être dont on aura su se faire aimer pendant quelques heures… ou bien d’autres, simples avatars, ne servant qu’à recréer encore et toujours le moment originel, celui de la flamme.
Alors, en rêve, c’est comme une musique d’où l’on voit surgir mille personnages, mille tableaux, par le seul génie de quelques doigts agiles sur un clavier, d’une corde à laquelle un digne disparu a su affecter, par cette capacité unique d’anticipation, de projection, un peu de la magie du monde. La création de la matière entre quelques cordes qui vibrent. La fabrication de la réalité, de la concrétion s’inventant dans le vide entre le graphite et le papier…
Si l’on peut faire naître d’un peu de vide, peut-on empêcher alors la disparition ?

Soudain, ce sont les Cellules Techniques Unifamiliales qui apparaissent, habitées de tous ces autres qu’elle ne veut pas connaître, dont elle ne peut endurer qu’ils soient sa fin à elle. Pourtant l’idée était belle, qui lui a même permis de gagner de l’argent et de s’assurer un avenir. Projetée dans ce que les images de synthèse ont su montrer, elle avance, vogue presque sur des champs de blé immenses, dans un silence brut et épais.
Sous un soleil écrasant, projection d’un monde sans hivers, sans rupture aussi doux et insipide que ces épis dorés sur lesquels elle se laisse glisser vers l’infini.

M.G

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