vendredi, février 16, 2007

Pour un monde meilleur (15)

Pour que l’angoisse soit à son faîte, elle commence à remarquer que l’homme, le jeune homme est plutôt bien fait de sa personne. Un visage intéressant, et surtout un regard sombre et pénétrant.
L’heure est grave, assurément, il n’est sans doute pas là pour parler à une pauvre vieille adolescente en mal de sensations, et pourtant il lui semble qu’il la transperce d’un regard qui est toute autre chose que la simple volonté de la voir se rallier à leur cause.
Mais quelle est cette cause ?

- Alors vous voyez ça comment ? lui demande-t-elle pour rompre ce qui pourrait bien passer pour une gêne indépassable, empourprée d’une honte coupable. Au fond d’elle, la certitude de n’être pas là pour les bonnes raisons. Pas là pour sauver l’humanité ou au moins sa partie la plus exposée qui est de toute façon condamnée. Non juste là pour savourer ce peu de temps d’une toute fin de jeunesse agonisante. Encore un peu de fraîcheur ou au moins de féminité qui la font se trouver en face d’un jeune homme au regard étincelant qui ne peut pas n’être allumé que par de bons et grands sentiments. S’il la regarde ainsi au fond d’elle-même, s’il enfonce cette persistance vers elle, c’est qu’il n’y a pas que l’esprit, mais que la chair est et sera toujours présente.
Elle n’en peut douter. Elle ne veut pas en douter…

La fixant droit dans les yeux, il s’allume une cigarette, alors qu’elle a refusé celle qu’il lui proposait. Va-t-il enfin se décider à parler ou simplement continuer ainsi ? car s’il continue ainsi, il se pourrait bien que dans quelques longues minutes, s’il le propose, elle se retrouve contre toute attente et tous principes, au fond de quelques draps plus ou moins frais, dans les sécrétions que l’humeur venimeuse du moment impose.

- que veux-tu savoir ?

Dieu que ce tutoiement accroche.
- Eh bien je ne sais pas. Disons que…, son sourire a l’air si pur…, comment se fait-il qu’elle soit toujours elle-même avec tant de conviction, qu’elle ne soit jamais parvenue à être une autre, plus forte, moins transparente, moins évidente.
- Oui…
- Non, elle prend sa voix calme, celle de l’aînée qu’elle est censée représenter. D’autant que c’est elle qui l’a attirée à lui en premier, il ne faut pas l’oublier. Je voudrais savoir ce que tu attends de moi…
Il rit. Et sans prononcer un mot s’enfonce dans son siège. La regarde encore.

Soudain elle se souvient de ce visage fatigué, de ce sentiment d’abandon qui la prend chaque matin lorsqu’elle tente de le recomposer, de cette envie de s’en remettre à l’évidence, d’accepter qu’elle est hors jeu, ce que le peu de libido qui l’habite encore laissait entendre finalement. Que peut-il donc percevoir d’elle ? a-t-elle encore le moindre pouvoir sur les hommes, à l’instar de la jeune blonde à la matrice ?
Est-il possible que le fond de l’être existe vraiment ?

M.G

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Si le fond de l'air est frais, le fond de l'être effraie.