lundi, novembre 20, 2006

Pour un monde meilleur (5)














Au fond, quand-est-ce que ça a commencé ?
C’est une question qu’elle s’est posée à maintes reprises. Il y a bien sûr eu l’épisode avec ce comique. Daniel n’est-ce pas… à moins qu’il ne s’agisse d’une autre fiction. Non c’était un autre, sans doute.
Elle s’est alors retrouvée sur des forums, d’une chaîne publique comme on disait alors. Les réactions étaient d’une violence inouïe, combien d’appels au meurtre y a-t-elle lu ?
Mais ce n’était pas le début, peut-être un révélateur, un peu plus dérangeant que les autres. Au fond il ne s’agissait que d’une continuité, peut-être même que cela avait commencé avant sa naissance, sans doute d’ailleurs. Mais lorsque le côté obscur se dévoile d’une manière de plus en plus évidente, il devient difficile de vivre, car chaque horreur passée prend alors un peu de réalité, et vient habiter la chair de ceux qui sont touchés. L’impeccable tableau du spectacle d’une vie, se retrouve fissuré de part en part. il faut ensuite s’accrocher fermement pour penser à nouveau, comme on l’avait fait jusque là, que l’horreur est passée, que l’horreur est un gage contre l’horreur, alors qu’elle en est devenu le prétexte.
Quand avons-nous lâché bon sang de bon sang. Et si ce n’était pas nous ?

C’est un peu difficile de s’accrocher aux choses désormais. Les tissus, les coupes, tout ressemble à avant, mais elle a un peu perdu l’habitude. Elle a fini par se fournir exclusivement sur Internet. Pour des raisons de commodités mais aussi parce qu’elle ne voulait plus prendre les transports en commun, et que la voiture, c’était aussi devenu impensable.
C’était avant le Test bien sûr, la période de non consommation, cette espèce de connerie à laquelle elle avait cru souscrire à un moment. Et depuis, elle achetait très peu, dans des circuits particuliers.
Elle est un peu désemparée. Non pas qu’elle sente précisément le vide entre ce moment et celui qui pourrait l’avoir précédé en ce même lieu, non, car franchement, on pourrait se croire au même endroit au même moment. Non. Encore une fois, c’est la rupture qui l’assaille, et l’empêche d’avancer. Le moment où les rêves ont échoué, où finalement on comprend que ce que l’on a voulu, non seulement n’est pas possible, mais n’est pas bon. Alors elle se laisse aller un peu, la gorge nouée. Regarde autour d’elle, autour de ces trahisons multiples. Pense à la mini-bombe dans son sac, qu’elle pourrait à tout moment activer.
Finalement les larmes ont le goût amer de la poésie avortée.
Soudain elle imagine…
J’imagine que nous avancions tous masqués, dans la rue, dans les boutiques, partout, enrubannés de noir, tels des Belphégor télescopés dans notre réalité post contemporaine. Ne serait-ce pas torride au fond.
Cela ressemblerait un peu à une version street d’Eyes Wide Shut. Ne serions-nous en effet pas nus sous ces voiles aussi inquiétants que troublants. Ainsi la partouze pourrait commencer. Tous inconnus aux yeux des autres, nous chercherions des coins dérobés afin d’accomplir notre tâche salace. Ce serait la débauche en bas de chez soi, partout, des gens ignorant tout les uns des autres forniqueraient sans relâche, pour la simple raison de n’être pas reconnus d’autrui.
Les enfants peut-être seraient épargnés, de cette envoûtante et répugnante danse de séduction pornographique.
Mais au fond, c’est bien de cela qu’il s’agit, d’une perversion plus basse que basse qui fait craindre l’autre, et n’a confiance que dans notre bestialité. Celles qui avaient peur des hommes jusque dans l’Hôpital (enfin c’étaient eux qui en avaient peur, leur impuissance leur saute à la gorge) n’avouaient-elles pas ainsi, que chez elles (chez Eux), il était impossible de se contenir, qu’une femme dénudée n’était rien d’autre qu’une proie.

Calme-toi Martha. Les prix n’ont pas bougé. Pense que ces pièces de tissus, sont les reliques de ta vie. De ton existence, et qu’il te faut t’y accrocher. Même si la trahison a bien eu lieu. Tu dois acheter les vêtements de ta jeunesse, et les emporter avec toi.


M.G

2 commentaires:

Anonyme a dit…

ça m'a prfondement touché....c'est tellement bien décrit, tellement profond...j'en perd mes mots!

M.G a dit…

Merci, Zara. Votre sensibilité nous émeut. Mais n'allez pas jusqu'à perdre vos mots!
Ils peuvent être précieux.