lundi, novembre 13, 2006

Pour un monde meilleur (4)

I won’t let you down, let you down again.

Rien n’a changé. Au premier regard, elle retrouve les sensations de cette jeune femme qu’elle est encore par certains côtés. Au fond on ne change pas, on se résigne sans doute un peu. On renonce à croire, et pire encore on renonce à convaincre, mais sans doute demeure-t-on l’adolescent qu’on a été, peut-être même l’enfant.

Les bâtiments sont les mêmes, certains ont changé, certaines enseignes se sont implantées, d’autres ont disparu du boulevard. Mais globalement, on est sur la même planète, on pourrait s’y croire en tout cas.
De petites âmes flottent dans l’air, partout, elle seule les perçoit. Elle ne peut les dire.
Elle a fini par comprendre qu’elle fait partie de cette caste des intouchables qu’on ne croira jamais plus, plus ici en tout cas. Elle pense non sans une certaine ironie à Sarah Connor. Mais ce sont finalement les images de cette jeunesse qui la submergent. Le Saint-Germain des Prés, elle se souvient d’y avoir vu Le Mépris, elle se souvient aussi du rouge à lèvres qu’elle portait ce jour là. Elle avait ensuite rejoint les Beaux-Arts et le cirque de ces jeunes gens animés par on ne sait quoi…
Le temps n’est pas long, le temps est court. Pour que l’on puisse se souvenir plus de vingt ans après d’un stupide apparat. Myriam encore, une vocation de modeuse.
Une vocation d’architecte, un emballement à couper le souffle, y croire, s’en nourrir, ne désirer que cela. Orienter sa vie en fonction de sa passion, puis découvrir que l’on est dans un pays mort, sans passion justement. Un pays dont les motivations sont gavées d’idéologies passées et défroquées qui plus est. Plus nauséabondes qu’il est permis de le croire, et pourtant. L’injustice n’est pas humaine, elle est française. Elle l’a été et le sera encore. Bon, il est temps d’arrêter de ressasser. Cela ne rajeunit pas justement. Evacuer les souvenirs, joyeux malgré toute leur incongruité de moments d’un espoir vain. Elle n’a pas été malheureuse depuis, au contraire. Simplement se demande-t-elle à quoi ça sert. Pourquoi un tel ratage. Pourquoi la France échoue-t-elle toujours à être ce qu’elle croit pouvoir être ? qu’est-ce qui fait le terreau d’un pays, qui le pousse à toujours revenir sur ses erreurs passées, y a-t-il un Destin National ?
De toute façon, personne ne voit rien, à part Sarah Connor, comment de cinéphile qu’elle a été, peut-on devenir Sarah Connor?
En quittant la gauche sans doute.
D’abord ce magasin qui portait un nom japonais et ne vendait que des pièces de créateur. Elle avance, les souvenirs sont trop forts. Combattent en elle.
D’accord pense-t-elle.
C’est vrai, ce quartier, cette école, tout cela n’est pas anodin, une partie de ma vie a commencé ici. Vous voulez quoi ? une sorte de reconnaissance, c’est ça ?
Ok, je vous la donne, je vous donne cette reconnaissance de ma vie. De ce futur que vous avez orienté, tenté de pervertir comme vous avez pu, mais qui m’a donné du bonheur, sans doute. Mais ce n’est pas la fin. Non
Il y en aura encore. Je brave le danger de vos bombes, de vos attaques pour vous dire merde, pour vous signaler que vous ne pouvez pas gagner à chaque fois.
Notre intelligence vaincra contre vos stupides.
Ces bouffées qui me reviennent m’indiquent simplement que je peux quitter ces terres, j’emporterai avec moi quelques bons moments, de quoi me souvenir encore. Que j’ai eu la chance de vivre ma jeunesse à une époque de relative prospérité, de paix, de modernité.

« Bonjour ».


Finalement elle entre chez Agnès B.
On ne trahit pas aussi facilement ses anciennes amours.

M.G

5 commentaires:

Anonyme a dit…

du Mépris à Terminator, d'Agnès B à Agnès B, pourquoi serait-ce mieux ailleurs ?

M.G a dit…

Ne vous laissez pas séduire ou abuser par la fiction cher Larsen...
Est-ce mieux ailleurs?
Peut-être pas.
Mais est-ce pire?... Nous en doutons (regardez les dates).

Anonyme a dit…

Le dernier date que j'ai eu remonte à plus beaucoup plus de 10 ans maintenant. Quoi ? elle a vu le Mépris
en 1968 (soit quand même 5 ans après sa sortie, ça ne colle pas avec la cinéphilie) ? C'est l'Armée des 12 singes, des voyages dans le temps pour mieux se trouver ?
J'ai eu cette musique dans la tête toute la journée, c'est moche.

Anonyme a dit…

"on est dans un pays mort, sans passion justement"

c'est tellement vrai ! les français sont revenus de tout, et seule une certaine dose d'exotisme parvient encore à les extirper un instant de leur rigor mortis ...

M.G a dit…

Parlez-vous l'exotisme que j'évoque dans le post suivant (Pour un monde meilleur 5)?