jeudi, novembre 02, 2006

Pour un monde meilleur (2)

Profiter encore un peu, de ce que l’on avait appris à apprécier, comme un bienfait, espérant en rejeter la culpabilité, et se promener encore, comme à vingt ans, dans un petit blouson en cuir serré, avec un joli sac très chic, en rêvant à de beaux espaces. Oubliant que la poussière partout venait recouvrir l’avenir auquel elle avait cru sans se poser de questions, soulevant de ci de là quelques maigres indices, qui ne venaient que perturber très faiblement le sens du progrès. Ce vers quoi, en cette fin de vingtième siècle, où l’on pensait avoir dépassé définitivement l’horreur, on croyait avancer enfin : un individualisme heureux, relativement charitable toutefois, aveugle un peu sans doute, mais non. Ce n’était pas notre faute. Ce n’était pas la faute de nos parents. Ils étaient nés au réveil du cauchemar. Ils n’avaient qu’à prendre la beauté d’un tel réveil pour argent comptant. Et n’allez pas croire que c’était facile. C’était juste incontournable. C’était cela le sens.
Et elle voulait continuer, comme ses parents, obtenir, gagner, accumuler. Et cela non plus n’avait pas été facile, car la France déjà était un pays entravé. Travailler et faire travailler, était même devenu impossible ou tellement pénible que l’on finissait par se dire que tout faisait partie d’une entreprise volontaire de sape qui n’aurait d’autre but que de précipiter le pays à sa perte, et d’en finir enfin.
La belle âme gauchiste avait continué à attacher ses boulets un peu partout au point qu’aujourd’hui, en ces heures critiques où l’on cherchait la liberté partout où elle pouvait se trouver on finissait par se demander si pensée de gauche avait un jour été positive. Finalement, penser à l’autre, n’était-ce pas ne pas lui vouloir de mal, point ?
Je ne vous hais point, démerdez-vous.

Elle avait eu de l’ambition, elle avait travaillé dur, pour ses études et aussi pour gagner un peu d’argent. Elle avait cru qu’avec talent et surtout volonté on pouvait espérer sortir du lot des ratés par avance que l’on envoyait à la fac ou à l’école pour les occuper tout au plus, en leur faisant perdre leur temps en réalité, dans ces cours dispensés par des médiocres qui eux-mêmes compensaient leur échec en fournissant quelques heures plus ou moins grassement rémunérées à ce qui osait se prétendre une école.
Zoo était plus juste.

Il restait peu de temps avant le départ. Alors elle jouirait encore. Quelques jours à peine, irait-elle arpenter les rues de la capitale, sachant que c’était peut-être pure folie. Mais elle devait le faire. Encore un peu se rendre dans ces boutiques qui avaient envahi son imaginaire depuis l’époque où elle étudiait aux Beaux-Arts jusque très récemment. Elle braverait le danger encore un peu, elle résisterait pour acheter encore quelques vêtements, une part de rêve pour partir digne, élégante — se plaire. Finalement la consommation de masse n’était-elle pas une démocratisation de ce à quoi seules les élites pouvaient jadis prétendre.
Le droit de se croire supérieur aux autres ou en tout cas de se rêver tel, de vouloir se vêtir de manière aristocratique afin d’échapper à un prosaïsme déprimant, plus encore en ces heures sombres.

M.G

6 commentaires:

Anonyme a dit…

la France s'enfonce dans l'obscurité, je prévois donc un retour du dandysme et de l'excentricité en particulier en matière vestimentaire

si nous courons à notre perte, faisons le au moins avec élégance, que diable !

M.G a dit…

Tout à fait cher ami, mais il s'agirait d'une excentricité de bon goût. Une volonté de recréer une nouvelle élite qui désirerait s'afficher comme un exemple au yeux de la vulgarité ambiante.
Un boboïsme sage et éclairé?

Anonyme a dit…

Ben quand j' vois où elle nous conduit, l' élite, j' ai ben envie de lui arracher de force les rênes des mains avant que la charette ne tombe dans le ravin sans fond. Ben envie de décrocher mon vieux fusil, moué. Point dans l' idée que de beaux affutiots m' apporteront un quelconque réconfort, cré vingt Dioux non !
Le temps des pleurs n' est pas encore venu, celui de l' action oui. Debout Robespierre ! La France à de nouveau besoin de toi !
Encore pas mal d' oeufs et de neuneux à casser de par chez nous.

Anonyme a dit…

sans me connaître, vous venez de me décrire ! (lol à demi sérieux)

toutefois je refuse toute cohabitation avec les bobos (et Mme Pelosi), qui ne sont finalement que petits bourgeois enrichis par le commerce et néanmoins ennuyeusement moralistes

le seul moment où je sens un peu d'empathie à l'endroit du bobo, c'est lorsque je le vois se prendre une gamelle à vélo au milieu de passants à demi rigolards, ou bien luttant contre les éléments sur son frêle esquif à deux roues, ondulant sous une pluie battante et sur une chaussée détrempée. Je me dis alors qu'il y a chez ces ennemis de classe un courage insoupçonné.

M.G a dit…

Au risque de vous agacer, M. Le conservateur, qu'est-ce qui vous prouve que vous ne faites pas vous-même partie de cette classe qui tend à devenir universelle. Etrangement la chanson de Renaud (qui est pourtant loin d'être ma tasse de thé, à tous égards, bien que son visage bouffi et dévoré par l'alccol m'inspire un peu de pitié emprunte de compassion) m'a interpelée. Je trouvais qu'il avait touché juste, et je me demandais comment il était possible que nous finissions tous par nous ressembler et par aspirer au même confort anesthésiant. Sans toutefois aller jusqu'à pédaler dans la capitale (ni ailleurs pour ma part). Enfin je m'égare, je raconte ma vie, qui n'a que peu d'intérêt.
La suite dans le prochain épisode, à moins qu'il n'y ait des digressions.

M.G a dit…

Pour vox populi.
Je crains qu'aujourd'hui, ni l'élite, ni le peuple ne puissent plus rien pour ce pays. Les fautes commises il y a trente, vingt, ou dix ans, nous reviennent en pleine figure. Je suggère une retraite adaptée "le laft project" dont les buts se dévoileront au fil de la fiction.